3juin1958, Aïth Anane !

Publié le par Kacem Nait Belkacem

Voilà une date qui m'est restée gravée à tout  jamais dans mon esprit.

Quelques jours avant; un petit groupe de Moudjahidine de l ALN formé d'une huitaine d 'éléments se poste discrètement chacun derrière un arbre, tout autour de notre demeure de Thima3ratine.

Il faisait noir , un noir à couper au couteau. Seul leur Chef , accompagné d'une sorte de garde corps, tous deux armés, pénètrent dans notre maison. Ils saluent mes parents mon grand père, mon père, et se font un brin de causette , bref, s'échangent des informations, peut être même des idées .

Je n'y comprenais rien à ce qu'ils se disaient. Haut comme trois pommes ,j'entamais ma sixième année d 'existence, et ma quatrième année dans la guerre.

J'étais beaucoup plus impressionnés par leurs armes et leur tenue vestimentaire. Leur chef un lieutenant deux galons , je le saurais et, je le reverrais en chair et en os le lendemain de l'indépendance lors dune fête de mariage du fils de l'un de leur compagnon. Ce jour là les Moudjahidine se sont donnés à coeur joie en tirant sur un oeuf de poule, placé en haut d'un rocher, à quelques cent mètres plus loin. Des milliers de balles sifflèrent vers ce malheureux oeuf qui ne voulait pas "abdiquer"; mais la joie était tellement forte que personne ne souciait de la quantité de munitions utilisées, ni du temps que ça prenait.

     Donc après un moment de répit, et juste après, avoir repris leur force, nos Djounoud se regroupèrent comme un seul homme sur l'ordre tacite de leur chef de groupe. Direction "Thimassiwine", en file indienne et d'un pas alerte.

Je ne sais pas l'heure qu'il était, mais le groupe qui devait donner l'assaut lui savait qu'un convoi de gendarmerie devait passer par là, pour regagner Darguina ou Kherrata.

Arrivés sur les lieux chacun prend position derrière un buisson ou un arbre de chêne liège; tellement l'endroit y est bien boisé.

Un convoi formé de plusieurs véhicules ,fait son apparition. Après avoir emprunté la montée de "Thala Nderdarth" et  passer les quelques virages très accentués, les voila face au groupe de Moudjahidine qui les attendaient d'un pied ferme. Un feu nourris éclaire la nuit et déchire le silence de cette région montagneuse.
Aucun survinant parmi les gendarmes . Les jeep sont en feu...les camions aussi.

De retour à "Thima3ratine" les Djounoud, trés contents de leur mission, avaient enfilés les vestes et les Képis de gendarmes  qu'ils venaient d'éliminer. Mes parents ont faillit ne pas les reconnaître, et ,leur angoisse doubla d'ardeur, et ce n'est que quand ils commencent à parler et à brandir le butin en jubilant qu'ils les reconnaissent.

Le lendemain commence le branle bas de combat.

Tous les militaires de l'armée française  de Bougie à Sétif sont informés,

L'Alerte est donnée, les barrages de militaires se multiplient et se déploient un peu partout, les rafles, les contrôles d'identité sont menés à tout bout de champs, des arrestations arbitraires sont décidés, c'est l'affolement dans l' armée coloniale.

Le sinistre Lieutenant Mathieu toujours aussi hautain que féroce arrive à "Aith Anane" comme un éclair, et convoque tous les habitants .Il commence son speech dans le langage ordurier et malsain que la population lui connaît. Il jure de tuer 40 personnes civiles, pour venger la dizaine de gendarmes éliminés. Une méthode Nazie quoi !

Ordre est donné l'a-présmidi même, à ses sbires, de ramasser 40 civils et de les empiler les uns sur les autres, à la petite mosquée de Bouzid sur le flanc de la montagne à "Timizar" et d'y mettre le feu .

L'ordre est exécuté à la lettre.

La population est dans l'expectative, les villageois avoisinant sont aux abois, l'angoisse , la peur s'installe en chacun...

Le pire est à venir promet ce sinistre lieutenant...toutes vos maisons seront bombardés une à une et  j'y mettrais le feu moi même en personne s'écria-t-il !

Le 03 juin 1958 un déluge de bombes s'abat sur les quelques maisons de "Aith anane". Les coups de canons portent loin , très loin , il n'y a pas beaucoup de circulation comme aujourd'hui. Le feu est partout.  L'odeur de la poudre à canon est étouffante, La tristesse est au paroxysme.


Les familles fuient de partout , sauvant ce qu'il pouvait prendre avec eux.

Baba Hmini pénètre dans l'épicerie de la famille jouxtant la route goudronnée , les flammes ayant pris sur les tissus et le pétrole à lampes. Les flammes le dépassent en hauteur. Mon grand père , au volant de la "Renault 1000 kilos" qui devait nous emmenait  au camp de concentration de "Igni ntazarth,", s'écriait à tue tête pour l'empêcher de rester plus longtemps parmi les flammes.

Aith Anane en feu, Aith Anane meurtrie, Aith Anane bombardé, Aith Anane éliminé de la carte, Aith Anane mon angoisse...c'était le 03 juin 1958 !

Publié dans GUERRE D ALGÉRIE !

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D
<br /> ce commentaire sur ait anane durant la revolution ,je l'ais vécu et chaque est vrai .<br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> SALUT ET MERCI SMAIL....NOUS AVONS A PEU PRES LE MËME AGE DONC TU TE SOUVIENS AUTANT QUE MOI....j e pense que Abderahmane doit se souvenir encore mieux que nous.<br /> <br /> <br /> <br />